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Irène Tolleret : « Nous voulons un Conseil à l’égalité de genre pour faire avancer les droits des femmes »

INTERVIEW | Il y a 9 mois, les députées Renaissance Sylvie Brunet, Nathalie Loiseau, Irène Tolleret et Chrysoula Zacharopoulou initiaient un appel pour la création d’un Conseil à l’égalité femmes-hommes. À l’occasion d’un débat au Parlement sur le sujet, Irène Tolleret revient sur cette idée Renaissance, qui facilitera la mise en place du Pacte Simone Veil, suivi de près par la délégation.

Simone de Beauvoir disait « n’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. » Nous y sommes ?

Cette phrase prononcée aujourd’hui sonne en effet comme une triste prémonition – les cas de violence conjugale ont augmenté d'un tiers dans certains pays de l'UE suite au confinement, et les droits des femmes, en matière sociale, professionnelle, dans le partage des tâches ménagères, reculent un peu partout. L’écart salarial reste très important et nous savons que la précarité et le temps partiel imposé sont beaucoup plus fréquents chez les femmes, et tout particulièrement chez les mères célibataires, les femmes issues des minorités ou les femmes porteuse d’un handicap.

Nous devons réagir et nous devons le faire vite.

L’Europe peut-elle jouer un rôle ou elle est tout simplement impuissante ?

Le Parlement européen est très mobilisé en matière de protection des droits des femmes et tout particulièrement le groupe Renew Europe auquel la délégation Renaissance appartient. 

Ursula Von der Layer a fait de l’égalité de genre un pilier de son discours d’investiture, comme de son discours sur l’état de l’Union. La Commissaire à l’Égalité Helena Dalli, dans le respect des traités, agit en portant des stratégies ambitieuses. Mais les droits des femmes ne sont pas une compétence exclusive de l’Union européenne, loin de là ! L'Europe ne peut pas tout, nous avons besoin de l’engagement des États membres. Or, c’est là que nous avons un trou dans la raquette. Lorsque vous avez des situations d'urgence, je pense par exemple à la grippe aviaire pour les volailles, le Conseil réunit les ministres de l’agriculture des 27 États membres afin de trouver des solutions coordonnées et efficaces. Lorsqu’on assiste à une recrudescence des violences faites aux femmes et un recul majeur des droits des femmes, aucun ministre ne se réunit à Bruxelles car il n’existe pas de Conseil à l’égalité de genre.

C’est pourquoi je me suis battue pour obtenir une résolution, pour que le Parlement européen demande solennellement au Conseil la création d’un forum spécifique pour l’égalité de genre et les droits des femmes.

Nous devons faire de l’égalité de genre un point central de la politique européenne et pour le faire nous avons besoin de la mobilisation de tous les acteurs : la Commission, le Parlement et le Conseil. 

C’est en effet au Conseil que beaucoup de directives et de conventions sont bloquées depuis des années. Je pense par exemple à la Convention d’Istanbul (feuille de route pour lutter contre les violences faites aux femmes) qui n'est pas encore ratifiée par l’Union européenne à cause du blocage de quelques pays membres. Ou encore à la directive « women on boards » pour établir des quotas dans les conseil d’administration des groupes cotés en bourse, elle aussi bloquée au Conseil depuis des lustres.

Je suis persuadée qu’en ayant un forum au Conseil – un espace d’échange, de débat et de négociation entre les ministres en charge de l’égalité de genre – ces blocages pourraient être dépassés très rapidement en faisant ainsi avancer les droits des femmes partout en Europe. 

Dans le programme Renaissance, il y avait un volet important sur l’égalité de genre, notamment le Pacte Simone Veil. Où en sommes-nous au niveau de son déploiement ?  

Le Pacte Simone Veil est né en s’inspirant du travail réalisé par Gisèle Halimi – « la clause de l’Européenne la plus favorisée ». Nous voulons que la législation la plus avancée pour les droits des femmes soit répliquée et adoptée au niveau européen de manière à s’appliquer dans tous les pays européens. Je vous donne quelques exemples : l’Espagne a réussi à inverser la courbe des féminicides à travers une loi très ambitieuse, il serait intéressant que les autres pays s’en inspirent.

La France a traduit l’égalité salariale dans la loi, à travers un index très bien fait et qui donne des résultats intéressants, pourquoi ne pas le faire devenir une loi européenne ?

Le Conseil à l’égalité de genre servirait précisément à cela – échanger les bonnes pratiques et mieux protéger les femmes au sein de l’Union européenne - c’est de facto le premier pas pour la réalisation du Pacte Simone Veil.

J’ajoute que ce n’est pas sans émotion que je présente cette résolution. Valéry Giscard d'Estaing a créé le Conseil européen en 1974 en réunissant tous les chefs d’Etat des pays européens. Valéry Giscard d'Estaing a soutenu avec force la candidature de Simone Veil à la présidence du premier Parlement européen.

La création d’un Conseil à l’égalité de genre, inscrit dans le Pacte Simone Veil, est une très belle façon de lui rendre hommage !