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« Cette PAC est plus verte et répond aux besoins des agriculteurs »

INTERVIEW | Jérémy DECERLE, Rapporteur du groupe Renew Europe sur plusieurs pans de la PAC et Pascal CANFIN, Président de la commission Environnement au Parlement européen reviennent sur la politique agricole commune votée cette semaine par les eurodéputés.

Comment se présente la future Politique Agricole Commune ? 

Jérémy Decerle : Nous avons franchi une étape importante au Parlement européen en votant cette semaine trois rapports qui constituent l’architecture de la nouvelle PAC pour les sept prochaines années. Ces rapports permettent de donner corps à deux priorités que nous défendons avec l’ensemble des eurodéputés Renaissance, à savoir augmenter le revenu des agriculteurs en continuant d’accompagner de manière pertinente la transition écologique. Nous aurons demain une PAC plus verte, mais, et c’est très important, qui apporte aussi aux professionnels les outils économiques et de protection dont ils ont besoin.    

Pascal Canfin : La réforme de la PAC est un maillon absolument essentiel pour enclencher la transition de notre agriculture vers un modèle plus durable et juste. Le nouveau contrat que nous proposons est le fruit d’un travail collectif que nous avons mené au sein de notre délégation, avec les ministres français de l’agriculture depuis 2018, le ministère de l’Écologie et évidemment le président de la République. Bien sûr qu’avec Jérémy et d’autres membres de la délégation – par nos expériences, nos cultures politiques – nous avons des approches qui peuvent parfois être différentes mais nous cherchons à en faire une force. Et nous nous retrouvons sur l’essentiel. Je crois pour ma part qu’on ne peut pas faire la transition sans réconcilier l’économie et l’écologie, qu’on ne peut pas transformer l’agriculture contre les agriculteurs, bien au contraire, il faut leur donner les moyens d’agir pour répondre à une crise climatique dont ils sont déjà les premières victimes comme nous le voyons avec les sécheresses. Là où certains groupes politiques défendent soit l’un, soit l’autre, nous constituons une force d’équilibre, de convergence, nécessaire pour répondre aux besoins des agriculteurs et aux attentes sociétales. Concrétisation de tout cela : nous souhaitons dédier au minimum 78 milliards d’euros pour rémunérer les agriculteurs qui souhaitent faire plus de pratiques agro-environnementales, et 36 milliards d’euros pour aider le développement en zone rural et pour la conversion vers l’agriculture biologique. C’est plus de 10 % du tout le budget européen qui sera pour la transition écologique de l’agriculture. C’est inédit.

Avez-vous vous craint pour l’avenir de la PAC dans le cadre des négociations sur le budget 2021-2017 de l’Union européenne ? 

JD : Oui cela a été une crainte. Surtout après le Brexit quand d’autres États membres y ont vu l’occasion de tout remettre à plat. Il faut saluer le travail constant de la France pour garantir un budget de la PAC à la hauteur des attentes. Parce qu’il s’agit de la plus vieille politique commune de l’Union européenne, certains pays la jugeaient obsolète, d’autres voulaient l’affaiblir aux profits de nouvelles politiques comme si elles étaient incompatibles. Mais à l’heure où la Covid-19 a démontré de manière dramatique notre dépendance sur la santé, il aurait été incompréhensible de nous priver d’une souveraineté alimentaire qui est une vraie force pour l’Europe. 

PC : Tout l’enjeu à travers cette nouvelle PAC, c’est de continuer à apporter aux Européens les produits répondant aux plus hauts standards environnementaux et sanitaires au monde. Plus que jamais cette année 2020 nous a questionné sur nos biens essentiels, sur nos biens communs, bien sûr la pérennité de notre agriculture européenne fait partie des priorités. C’est pour cela que la réforme de la PAC est indispensable mais nous devons aller beaucoup plus loin : si nous n’aidons pas les agriculteurs à devenir les premiers acteurs du changement dans les territoires, au plus près des besoins, nous échouerons. Cette PAC permet par exemple de défendre un modèle d’agriculture familiale, réclamée par les consommateurs, que Jérémy connaît très bien et qui ne produit pas de la même manière que des fermes industrielles.

JD : Pascal soulève un point essentiel : quel type d’agriculture voulons-nous à travers la PAC ? Moi je crois à un modèle agricole qui ne soit pas basé sur l’agrandissement obligatoire des exploitations et où la question de la transmission et de l’installation des jeunes est primordiale. Une politique agricole commune, c’est aussi défendre le maintien d’homme et de femme nombreux sur les territoires. 

Mais justement, l’agriculture fait-elle toujours pour vous partie des priorités de l’Union européenne ? 

PC : Oui. La PAC et les politiques de cohésion pour les territoires représentent toujours 60 % du budget de l’Union européenne. Puis, nous le disions précédemment, la PAC n’est pas une politique en marge des autres. Pour atteindre notre objectif de neutralité carbone en 2050, l’Europe a besoin d’un modèle agricole vertueux, qui associe les premiers touchés par le changement climatique, les agriculteurs. Cette PAC s’intègre pleinement dans les nouvelles priorités fixées par la Commission européenne, aux côtés du Pacte vert, de la stratégie « Farm to fork » ou de la stratégie Biodiversité. La PAC que nous défendons s’aligne sur ces grands objectifs, eux-mêmes défendus par la France comme la réduction de 50 % des pesticides en 2030, et veut donner les moyens aux agriculteurs d’apporter leur pierre à l’édifice de la transition agricole.

JD : Il faut même, à mon sens, aller plus loin pour que l’Europe développe davantage son modèle agricole et en fasse un élément majeur de son autonomie stratégique. Sur le bien-être animal, nous devons rester les mieux-disant. Pareil sur le commerce international : les échanges commerciaux ne peuvent pas se faire avec les produits agricoles comme variable d’ajustement. Ce ne sont pas des produits comme les autres ! Ces combats, ce sont ceux que nous allons continuer de porter au Parlement européen.